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Rougemont ou le miracle Suisse. Comment fait la Suisse pour que ses villages ne changent pas ?

par Cosy Design

Depuis la gare, on visite Rougemont à pied, chaque façade, chaque jardinet a une histoire. Balade jusqu’au col de la Videmanette.

Rougemont est presque aussi connu que Gstaad, sa célèbre voisine, et ses habitants apprécient son calme.

Le village est absolument ravissant avec sa petite place autour de la fontaine qui roucoule, ses ruelles en pente, les hampes de haricots mêlés de pois de senteurs qui dépassent des barrières en bois, les jardinets débordant de fleurs, les maisons de bois roux – ce bois qui a traversé un, deux, trois siècles, qui a connu toutes les rigueurs de l’hiver, les pluies de printemps, les soleils de l’été.

Presque toutes ont un bout d’étable ou un atelier en activité. Le village pourrait se contenter de vivre du tourisme – et quel tourisme ! L’un des plus fortunés au monde – mais non, ce ne serait plus la suisse. Alors, à quoi tient le miracle suisse, ce qui fait que ses villages gardent leur charme, leur vérité, leur fraîcheur native ?

Reportage et photos Noëlle Bittner

L’harmonie pourrait venir de ce qu’ici architecture, paysage et mode de vie ne font qu’un. L’architecture est une expression directe de la culture locale. Et tout est fait pour perpétuer cet ordre des choses. Il y a un amour de la ruralité, les agriculteurs sont respectés (et gagnent bien leur vie), les gens sont très en avance sur l’écologie, la qualité des transports (le petit train, le MOB et l’incontournable bus postal fiable à la minute près) a rendu la vie possible jusque dans le moindre hameau. On respecte l’artisanat, l’apprentissage et la compétence due à l’âge, il y cette harmonie entre agriculteurs, industriels, ingénieurs, ouvriers, apprentis, artisans et politiques.

Les votations font avancer le consensus et la prise de décision, et plumet sur le chapeau, le président change chaque année et ne gouverne pas de son Olympe. Tout aussi déconcertant pour nous Français, il n’est pas bien vu – et même très mal vu d’être rebelle ! Et la moindre entorse aux règlements vous vaut un rappel à la loi de vos concitoyens et même de vos voisins !

Rigeur et tradition

Claude Buchs, qui habite entre le Val d’Anniviers et Rougemont nuance le tableau : « il y a des régions où les habitants sont plus sensibles et plus attachés à leur patrimoine, notamment dans le canton de Vaud comme à Rougemont, ou en Suisse allemande, la « Suisse profonde » qui correspond au berceau de la Suisse (Uri- Schwytz – Unterwald). Il est intéressant de voir que dans ces régions, le parti de droite « UDC » est souvent très fort. Ils sont très attachés à la terre, au pays, aux traditions. C’est à la base un parti agraire et il est également assez puissant dans le Pays-d’Enhaut. »


La construction est très limitée, précise Alice Jaquillard (communication Pays-d’Enhaut), toutes sortes de règlements y veillent, le but étant que les surfaces agricoles ne diminuent pas. Pour protéger les villages de montagne et éviter la défiguration qu’ont connue certaines stations, notamment en Valais, on peut compter sur la « Lex Weber » qui interdit dans toute commune où les résidences secondaires représentent plus de 20%, toute nouvelle construction de résidence secondaire.

Anne-Françoise Buchs qui a ouvert sa jolie boutique déco sur la place du village, estime que dans le Pays-d’Enhaut, « les artisans ont non seulement le savoir-faire mais un sens esthétique, un goût du détail, de l’ornementation plus poussé que chez nous, en Valais, où les villages de montagne sont sobres, moins ornés et très tournés vers le pratique. Ce savoir-faire artisanal est toujours présent, si l’on n’a pas les moyens, on maintient, on ne détruit pas, et pour les plus fortunés, propriétaires des chalets alentour, le plus beau est de mise, on veut l’original quoiqu’il en coûte.

ROUGEMONT OU LE MIRACLE SUISSE

Rien d’ostentatoire, pas de grandes baies vitrées, on garde les petits carreaux (malgré qu’il doit faire bien sombre dans ces chalets…), les arbres anciens, les jardins, les ruchers, les étables, les poulaillers, tout est en adéquation et confère une harmonie incroyable. Les communes sont également attentives et les infrastructures publiques donnent le ton : lampadaires, garages, maison communale, les chemins du village, les barrières… autant de détails qui pourraient casser l’harmonie sont ici respectés. Les règlements communaux sont intransigeants, édictés par des élus intègres qui ne lâchent pas les autorisations parce qu’ils ont des entreprises de construction… ».

En balade au village

Tout est beau ! Pour ne rien manquer, monter à pied jusqu’en haut du village par les ruelles et redescendre par la rue principale. Les constructions portent leur date de naissance sous le toit, assortie des noms du propriétaire et du charpentier gravés dans le bois et parfois d’un texte biblique.

La façade présente souvent deux escaliers symétriques qui partagent la maison pour les diverses générations qui y vivent. Le toit largement débordant est recouvert d’anseilles (bardeaux de sapin) ou de petites tuiles plates de bois, les tavillons. La plupart des constructions datent du XVIe et XVIIe siècle.

La petite place ombragée est le centre du village. Le long du sentier de découverte, des panneaux retracent la vie du village au temps de Louis Saugy (1871-1953), facteur et découpeur de talent dont on peut voir les œuvres au musée du Vieux Pays d’Enhaut. La gare-jouet rappelle que le MOB, arrivé en 1904, a introduit le tourisme dans la vallée. Descendre jusqu’à l’église d’origine romane, remaniée au XVIe siècle, entourée d’un charmant cimetière et du château de Rougemont.

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