INVITATION (S) À L’INSOLITE
4 sites pas comme les autres
- 1/4 : Le refuge de l’éternelle jeunesse
Dans les Hautes-Alpes, niché à 1 900 m, au sommet de Saint-Chaffrey, dans la station de Serre Chevalier, le Refuge Grand Hôtel s’offre une nouvelle jeunesse, sous la houlette du Studio Frémont. Une rénovation toute en finesse qui respecte l’esprit originel des lieux et une réalisation effectuée entre deux saisons en un temps record.
PAR PATRICIA PARQUET/ PHOTOS PAUL BRÉCHU
C’est une petite pépite sur les pistes de skis de la station de Serre-Chevalier. Pour venir depuis Saint-Chaffrey, il suffit d’emprunter la télécabine Ratier qui grimpe en un battement d’aile à 1 900 mètres d’altitude. Tandis que le flot de skieurs se déverse sur les pistes, nous empruntons sur notre gauche le passage qui conduit au Refuge. C’est suffisamment à l’écart pour se sentir dans un lieu unique. Construite en 1947, cette institution est fréquentée à toute heure de la journée car c’est à la fois un bar, un restaurant et un hôtel confidentiel avec 11 chambres seulement.
Ce chalet d’altitude appartient au groupe Habside, propriétaire du Grand Hôtel à Saint-Chaffrey, un hôtel 4 étoiles, situé juste en bas dans la vallée. Il est fréquent de croiser les hôtes de la vallée qui viennent vivre l’expérience d’une nuit là-haut. Déjà, un simple déjeuner donne la sensation de vivre un instant privilégié et à part.
Riky, un bouvier bernois croisé border collie, nous accueille avec sa bonne humeur contagieuse. À l’heure du déjeuner, les skieurs sont priés de retirer leurs chaussures de ski et de les remplacer par des chaussons douillets, et déjà l’envie de prolonger la pause. Les salles de restaurants cohabitent dans des ambiances différentes. La petite salle vitrée à l’entrée avec ses murs épais en pierres taillées, son poêle à bois, est chaleureuse et authentique.
En toute modestie
Rénover le Refuge du Grand Hôtel en quatre mois était un défi ! L’architecte d’intérieur, ancien designer automobile, s’en est emparé avec l’enthousiasme d’un marathonien. « Cela oblige à être créatif et réactif. C’était une question de confiance. Delphine Ginest et son frère Stéphane Perez, propriétaires du groupe Habside, m’avaient déjà confié la rénovation du Grand Hôtel en 2016. J’aménage pour eux les nouveaux chalets, dessinés par Jean-Michel Wilmotte, à côté de l’hôtel à Saint-Chaffrey. Le plus important pour moi ? Qu’en arrivant dans les lieux, un visiteur ne remarque pas les travaux réalisés », confie Olivier Frémont, habitué à redonner vie et éclat à des hôtels et des restaurants partout en France.
Sa mission a consisté à rendre les lieux plus contemporains, plus lumineux, réorganiser le restaurant et décorer l’ensemble. Les 11 chambres ont été repensées, le mobilier remplacé, le bois poncé et retraité.
Des meubles à fort potentiel émotionnel
« Il existe une attente des clients dans ce lieu, avec un peu de kitsch d’où l’idée de conserver ces chaises en bois très traditionnelles, simplement reponcées. Si on va trop loin, c’est trop élitiste. Quand je suis entré dans ce lieu pour la première fois, la structure bois et les planchers, tout ce qui était noble était pollué par les précédentes organisations intérieures, avec des tapis, des bois peints. J’ai retravaillé sur la structure et mis une touche contemporaine, à travers des objets très pointus comme DCW Editions pour les luminaires, du mobilier ancien patiné d’Atmosphère d’Ailleurs », poursuit Olivier Frémont. L’architecte d’intérieur a privilégié des objets et des meubles à fort potentiel émotionnel qui brillent par leur simplicité et leur force évocatrice ; le secret de la beauté intemporelle.
Des planches en bois noir sont récupérées et installées en têtes de lit offrant un repère fort dans les chambres.
« Déconstruire, c’est rendre hommage »
L’une des plus grandes réussites de ce projet est de ne pas avoir cherché à tout casser, mais à valoriser le déjà-là. Olivier Frémont part du principe qu’il y avait une autre intelligence avant et qu’il est intéressant de la comprendre : « À la démolition, j’ai découvert des éléments extraordinaires, c’est une richesse. On vient chercher un ancrage historique. Déconstruire, c’est rendre hommage. Il faut que votre client vous suive et comprenne, c’est ce qui rend la chose passionnante, sinon c’est agressif ».
L’architecte d’intérieur a réussi à honorer l’esprit du lieu. Faire peau neuve, sans renier son histoire. Sans doute, la plus belle des réussites et le secret de son éternelle jeunesse !
Moins, c’est plus !
Voici comment le Studio Frémont a conservé l’existant et l’a mis en valeur, sans tout jeter.
• Créer un plafond graphique
À l’étage, il existe un agréable salon-cheminée réservé aux hôtes de l’hôtel pour partager le goûter et se retrouver le soir. Le plafond possédait un vieux lambris, recouvert d’un vernis miel. L’architecte d’intérieur n’a pas fait la bêtise de tout casser. Après avoir poncé et traité le bois, il a décidé de valoriser l’aspect graphique des chevrons en peignant quelques planches seulement. On sort de l’aspect kitsch et triste du lambris !
• Redonner vie au bois
Du sol au plafond, tous les bois ont été poncés et retraités. Des traces apparentes d’outils ont été conservées en mémoire du passé. Les parquets au sol ont été remis en valeur et laissés le plus naturel possible.
• Valoriser le marbre de Guillestre
Du marbre rose de Guillestre, utilisé dans la région depuis le Moyen Age, habille le palier, l’escalier et la salle de restaurant. Il apporte une touche de couleur très discrète. Ce matériau local et résistant contribue à l’identité des lieux et son ancrage dans l’histoire du pays.
• Changer les tissus
Dans l’espace salon, les fauteuils ont été rehoussés, retapissés et conservés car ils correspondent à l’esprit du lieu. « Il faut garder ces objets, ces meubles qui sont le patrimoine hérité des générations passées et ne pas tout jeter et recommencer. Quand vous acceptez le “désordre“, il faut l’orchestrer et cela vous amène à de beaux résultats », conseille Olivier Frémont.
- 2/4 : L’Avancée, le réveil des volcans
Construite dans les monts d’Auvergne, sur les hauteurs de la station thermale de la Bourboule, la maison l’Avancée offre une fabuleuse immersion dans la nature. Son secret ? Une immense terrasse abritée, avec cheminée. Une escale de charme au cœur du pays des volcans.
PAR PATRICIA PARQUET/ PHOTOS JÉRÔME MONDIÈRE
Endormis depuis des millénaires, les volcans d’Auvergne pourraient se réveiller sans que rien ne puisse échapper à la vue des résidents de l’Avancée. Construite sur un terrain en pente, cette maison contemporaine est un fabuleux poste d’observation en face du massif du Sancy et d’un chapelet de volcans. Un cadre idéal pour se couper de la ville et prendre le temps de vivre au rythme d’une nature préservée, avec deux stations thermales à proximité, la Bourboule et le Mont Dore.
La propriétaire, Nadine Auriacombe, a pensé cette maison de vacances destinée à la location, avec l’architecte René Boisserie. « Je voulais que les hôtes se sentent au milieu de la nature, d’où cette enfilade de baies vitrées qui permet d’admirer les plus beaux paysages d’Auvergne. À l’étage, où se trouvent l’espace à vivre, la cuisine, une suite parentale et les terrasses, les arbres restent à portée de mains », raconte la propriétaire, heureuse d’attirer de nouveaux visiteurs dans sa région natale.
« Dans une maison neuve, le mobilier chiné apporte âme et chaleur »
Nadine Auriacombe
Se glisser dans l’environnement
Construire en pleine nature est une opportunité rare. Alors pas question de faire n’importe quoi. Il existe des éléments fondamentaux à garder en tête pour rendre le projet le plus respectueux de l’environnement que possible. « Préserver le maximum de végétation lors du terrassement a été ma priorité ! J’ai ainsi réussi à sauvegarder le magnifique sapin devant la maison. L’idée est d’offrir un lieu adapté à la nature environnante et qui invite à découvrir cette région différemment », poursuit Nadine Auriacombe.
Bien orientée afin de capter le maximum de rayons de soleil en hiver, la maison possède une toiture plate végétalisée. Elle se fond dans le paysage comme pour mieux se faire oublier.
Multiplier les terrasses
La pièce maitresse de l’Avancée est une terrasse couverte de 50 m2, juste au-dessus des arbres afin de dégager la vue sur le massif du Sancy, point culminant de la région. La grosse cheminée à bois sert de braséro et chauffe l’espace salon. Nous sommes à 900 m d’altitude, autant dire que les soirées restent fraiches, hiver comme été. Cette terrasse couverte offre une pièce supplémentaire et une continuité visuelle dedans/dehors à travers ses baies vitrées coulissantes. Une expérience réjouissante.
Et cerise sur le gâteau, il existe une seconde terrasse en plein air. Multiplier les terrasses, c’est multiplier les vues avec une sensation différente à chaque fois : prendre son petit déjeuner, profiter des derniers rayons de soleil, admirer les étoiles filantes dans ce ciel particulièrement pur. Ces espaces demeurent le meilleur endroit pour observer, sentir et ressentir la nature qui entoure cette bâtisse tout en longueur.
Chiner, décorer et réchauffer
Afin de rester proche de la nature, le nuancier égrène les tons vert et terre-orangé qui réchauffent l’intérieur. Par goût pour les mélanges, la propriétaire a préféré des murs bruts de béton qui se marient bien avec le bois et qui mettent en valeur les toiles d’artistes exposées régulièrement. Le mobilier chiné fait office de fil rouge. Il s’agit d’une sélection de pièces design des années 50, 60 et 70, acquises par Nadine Auriacombe au gré de ses voyages et de ses rencontres avec des antiquaires en France et en Belgique.
Des papiers peints égayent les chambres et les salles de bains comme ce lumineux papier peint de la Maison Pierre Frey, semblable à de la mosaïque. Un joli clin d’œil à l’établissement thermal du Mont-Dore, construit dans un style néo-byzantin au XIXe siècle.
Quels que soient la saison et le temps, la maison de 300 m2 avec son bain bouillonnant, son sauna, sa salle cinéma, son espace billard offrent des plaisirs variés pour ne pas se lasser et ne jamais se sentir à l’étroit. Mais la plus belle activité reste l’oisiveté et la simple observation des volcans d’Auvergne. On ne sait jamais s’ils se réveillaient ?
Maison l’Avancée
Où ? À Murat-le-Quaire, dans le Puy-de-Dôme, sur les hauteurs de la station thermale de la Bourboule.
Pour qui ? Maison destinée à la location, toute l’année jusqu’à 10 personnes.
Surface totale : 300 m2. Cinq chambres dont deux suites parentales.
- 3/4 : Réhabiliter une friche touristique
37 cabanes en bois sont installées sur une ancienne friche touristique. Elles constituent le village de Nutchel à 600 m d’altitude au cœur des Vosges, dans la vallée de la Bruche. Immersion totale au milieu des arbres, dans le plus grand respect de l’environnement.
PAR PATRICIA PARQUET
Dans les années 60, c’était un village-vacances avec 60 bungalows équipés de terrasses en béton, avec de l’amiante, aucun arbre, un terrain de basket, un terrain de foot, de tennis… Pour concevoir le village de Nutchel, il a fallu désartificialiser les sols, enlever le béton afin de faire réapparaître la terre, détruire les constructions, trier les déchets dont une partie a été concassée pour réaliser des chemins. « Nous avons évacué l’équivalent de deux TGV de déchets. Notre objectif est de prouver que nous sommes capables de revaloriser des terrains qui étaient de beaux terrains avec des forêts. Nous avons replanté 3 000 arbres, des épicéas, des noisetiers, des hêtres, des bouleaux et des petites essences de thym sauvage… », raconte Clémence Rousseau-Dumarcet, co-fondatrice, ancienne cadre de chez Center Parcs, qui a eu envie de construire son projet et revenir à la nature, à la naissance de son premier enfant.
Les cabanes sont conçues sans fondation. Les réseaux de distribution d’eau, d’électricité sont réutilisés pour ne pas excaver davantage le terrain. Les idées fortes qui ont motivé le projet ? Pouvoir un jour quitter les lieux, enlever toutes les cabanes et restituer le terrain à la forêt, vierge de toute construction.
PLANTER 3 000 ARBRES
Trente-sept cabanes en bois, dont la plus grande fait 35 m2, composent le village de Nutchel (nom simplifié du mot anglais nutshell qui signifie petite coquille de noix). Chacune est venue se glisser entre les arbres comme la main dans un gant. Si certaines possèdent des bains nordiques donnant la sensation de se baigner dans la forêt, d’autres possèdent des toits-terrasses à 4,5 m de haut afin de profiter de la vue.
Les cabanes sont préfabriquées en usine à partir de panneaux massifs lamellés-croisés (CLT) ; un assemblage de plusieurs couches de bois de résineux résistants au climat rude, avec un faible impact écologique. Les installer fut (presque) un jeu d’enfant.
L’architecte d’intérieur Charlotte Besson-Oberlin (Atelier dix9mai) a imaginé les intérieurs des cabanes, en collaboration avec Clémence Rousseau-Dumarcet, dans un esprit wabi-sabi, c’est-à-dire en acceptant la beauté imparfaite, selon l’expression japonaise. Le mobilier provient de bois de récupération recyclé et retravaillé par leur menuisier. Le reste a été chiné dans des brocantes.
FABRIQUER DES SOUVENIRS
Au petit matin, la forêt se réveille en même temps que les hôtes. Largement vitrée, la cabane donne à voir les arbres à chaque instant et dans chaque pièce. La forêt impose son rythme. Les hôtes passent leur temps à faire des choses simples et retrouvent un instinct ancestral. Allumer les lampes à huile. Fabriquer le feu dans la cheminée. Préparer le barbecue sur la terrasse. Se promener à pied ou à vélo. Construire des cabanes dans la forêt avec les enfants. « Ma conviction est que nos plus beaux souvenirs sont ceux où nous faisons les choses par nous-mêmes. Il existe un haut niveau de confort dans les cabanes. Nous ne sommes pas les Sylvain Tesson du tourisme! Oui, il fait froid quand vous arrivez en plein hiver. Il faut faire son feu et attendre que la chaleur vous réchauffe. Le but est de changer les repères, reprendre conscience des choses simples afin de revenir à l’essentiel », souligne Clémence Rousseau-Dumarcet, qui réfléchit à la réhabilitation d’autres friches touristiques pour implanter de futurs villages.
- 4/4 : Refuge Princens
La simplicité retrouvée
Cette cabane de vigne est une petite bâtisse d’une grande simplicité. Le Refuge Princens est un lieu insolite, au pied des montagnes et en lisière de Saint-Jean-de-Maurienne.
PAR PATRICIA PARQUET/ PHOTOS TILBY VATTARD
ON DIRAIT LE SUD
Nous voici dans la vallée de la Maurienne, au beau milieu d’une végétation méditerranéenne. L’Italie n’est pas loin. Figuiers, cyprès, amandiers s’épanouissent dans cette vallée méridionale. Au-dessus de la petite maison, les pins parasols toisent le haut du jardin. Autour, la vigne, quelques bananiers et une collection d’iris sur les escaliers qui montent de terrasse en terrasse. Un petit coin de sud en Maurienne.
ATYPIQUE
Cette maisonnette est une authentique cabane de vigne telle qu’on en trouve encore sur les hauteurs de Saint-Jean-de-Maurienne. Autrefois, chaque famille Mauriennaise possédait son petit abri avec son lopin de terre et sa parcelle de vigne. C’est un peu l’équivalent des cabanons dans les calanques de Marseille ; un petit refuge pour le week-end. Le jour de ses 40 ans Julien-Gabriel Perbellini, originaire de Maurienne, s’offre son rêve en faisant l’acquisition d’une de ces anciennes bâtisses.
UN CÉPAGE
Ce lieu a été baptisé Refuge Princens, un nom patois local utilisé autrefois pour désigner le cépage persan typique de la région. Revenu en grâce, ce vieux cépage est réintroduit en 2008 pour le plus grand bonheur des amateurs.
MINI-MINI
Avec ses 13 m², elle a la taille d’une cabane de jardin, autant dire une micro-maison. En bas, une cuisine, le coin salon et dans la mezzanine l’espace nuit pour 2 personnes. Julien-Gabriel Perbellini l’achète en bon état. C’est une maison en béton avec un mur en pierre sèche et une charpente légère. Le vieux plancher au sol est conservé. Qu’on se rassure ! Elle est raccordée à l’eau communale et l’électricité est fabriquée par des panneaux solaires. La douche étant elle aussi solaire, elle se prend… dehors. « J’ai voulu modifier le moins possible l’extérieur. Je n’aurai pas eu l’autorisation de construire quoi que ce soit car je suis en limite de zone protégée, sur un versant classé. Mon idée est de révéler le lieu dans la continuité de son histoire », confie-t-il.
Priorité au local pour réaliser les travaux et la décoration. Spécialisé dans les projets atypiques, un artisan de Saint-Jean-de-Maurienne a aidé le maitre des lieux. Les meubles proviennent de l’antiquaire du coin ou sont issus de la récupération. Leur aspect brut évoque l’esprit montagne et nature, sans jamais être dans le folklore. Une fois sur place, on vit en toute simplicité au rythme de la vigne.
BON À SAVOIR
Hébergement insolite et vertueux. Le refuge est labellisé refuge LPO par la ligue des oiseaux. Une manière de nous rappeler que le refuge est situé dans un environnement fragile à préserver.
Pour qui ? Pour deux personnes, idéalement pour des randonneurs ayant l’esprit contemplatif, sensible à cet art de vivre proche de la nature.
On vient quand ? De mai à octobre.