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Le Grand Hôtel reprend des couleurs à Aix-les-Bains

par Cosy Design

PAR JENNIFER ROUX – REPORTAGE PHOTOS : ERIK SAMPERS

Labélisée Ville d’Art et d’Histoire depuis 2014, Aix-les-Bains est avant tout une ville d’eau, connue pour ses propriétés thérapeutiques dès l’Antiquité. Au cours du 19e et au début du 20e siècle, Aix-les-Bains a vu défiler les plus grandes personnalités et notables, tous attirés par les bienfaits des eaux thermales et les promesses de somptueuses soirées au Casino Grand-Cercle, inauguré en 1850 par le Roi Victor- Emmanuel II de Savoie. Le Grand Hôtel fut le premier hôtel de grand luxe de la ville.

Le hall d’entrée, majestueux, à la mesure du luxe de cet époque.

 LIEU DE VIE INCONTOURNABLE DU 19e  SIÈCLE

Au coeur du Massif des Bauges, sur les aux eaux parfois émeraudes, et en contrebas du Mont Revard, Aix-les-Bains voit son activité thermale se développer sous l’Empire, avant de connaître son essor et une transformation urbaine dès le début des années 1850, pour répondre aux attentes de sa clientèle mondaine. Desservi par les grands axes du centre-ville et situé à deux pas de la gare, du Casino, des Thermes Pellegrini et du Théâtre de Verdure, le Grand Hôtel a les traits de la pierre angulaire d’Aix-les-Bains. À la demande de la société de l’Hôtel Royal de Savoie, Charles Bernard Pellegrini, architecte de la ville et de l’établissement thermal, formé aux, imagine et conçoit le premier hôtel de luxe d’Aix, inauguré en 1857.

Très souvent intégré dans la catégorie des palaces, il n’a pourtant obtenu que 4 étoiles, le graal de la 5e étoile lui ayant échappé car dépourvu de jardin ; même si le grand parc floral des Thermes fut inauguré de l’autre côté de la rue en 1869, cela ne suffit pas. Sa façade en pierre de taille, initialement de 3 étages, a été rehaussée d’un étage et de combles quarante ans plus tard, et atteindra une capacité de 200 lits en 1952. De style néoclassique, de nombreux attributs décoratifs en stuc et une jolie alternance de balcons en pierre et fer forgé habillent la façade.

Une travée centrale surmonte le porche et s’élève jusqu’au sommet de l’édifice pour mettre en lumière un fronton estampillé du drapeau savoyard. Néanmoins, c’est une fois le porche d’entrée griffé des armoiries de la Maison de Savoie et les deux majestueuses portes à battant en bois vitrées du vestibule passés, que le Grand Hôtel prend tout son éclat. Un atrium central de forme carré est surplombé par une verrière, dont on devine encore quelques vitraux aux décors de rinceaux et de fruits. Ce puits de lumière éclaire les coursives ajourées des 4 étages.

Les imposantes colonnes en pierre cannelées du rez-de-chaussée exhibent de beaux chapiteaux à volutes, d’ordre ionique, pourvus d’ornements végétaux, tandis que des colonnettes, plus fines, ornent les étages supérieurs. On ne peine pas un seul instant à imaginer le faste de ce lieu, une centaine d’années plus tôt, où femmes et hommes apprêtés descendaient l’escalier d’honneur avant de fouler le damier central noir et blanc, en pierre de Comblanchien et en marbre, sous la lumière de la verrière zénithale, avant de rejoindre le Salon ou le Fumoir, classés aux Monuments Historiques depuis 1986.

UNE ÈRE DE RENOUVEAU

Les matériaux choisis allient sobriété et approche durable : menuiseries en bois toutes faites en Savoie, chaufferie bois ENR, jardins alimentés par l’eau de pluie…

Après la Seconde Guerre Mondiale, comme tout palace aixois, le Grand Hôtel est converti en appartements et en bureaux. Une assemblée de 80 copropriétaires occupe aujourd’hui les lieux. Particuliers et professionnels font revivre ce lieu d’une autre époque afin de préserver ce symbole architectural. L’ancien Fumoir est aujourd’hui investi par la pianiste concertiste russe Karine Vartanian qui en est devenue l’heureuse propriétaire. Au sein de son Académie de piano, elle reçoit une cinquantaine d’élèves, de tout âge et de tout niveau qui viennent apprendre dans un décor hors du temps. Le plafond coffré de bois soutient de vastes lustres, différents marbres habillent les murs, les portes vitrées sont gravées, les dessus de porte décorés de chérubins potelés et une imposante cheminée surmontée par un grand miroir attire les regards.

Détail décoratif en stuc de l’Ancien fumoir. Scène de chérubins jouant d’un cor de chasse sur le dessus de porte de
l’ancien fumoir.

Pour Karine Vartanian, « ce lieu a quelque chose de sacré. J’ai souhaité participer à la conservation du Grand Hôtel et de son histoire en m’installant dans ses murs ».

Autrefois réservées aux évènements sociaux, les pièces de réception sont aujourd’hui occupées par des associations et des cabinets médicaux. La Verrière Espace Danse, ancien restaurant Les Ambassadeurs reliant en 1878 le Grand Hôtel et son annexe, est aujourd’hui une école de danse dirigée par Sylvaine Calderini.

Le vaste et très lumineux studio revêt de nombreuses moulures aux murs et au plafond, reprenant la thématique des ornements végétaux et des agiles chérubins, comme une invitation à se mouvoir. Les pas de danse sont également encouragés, certains soirs de semaine, sous La Verrière, au Club La Suite.

Pour Elodie Brossard, qui tient au 2e étage un salon de coiffure en loge privée, le coup de coeur a été immédiat. « Certes, l’immeuble peut paraître un peu austère à première vue, mais le retour de mes clients est presque toujours identique : c’est une découverte ! En effet, la plupart des Aixois n’ont jamais eu l’occasion de pousser la porte du Grand Hôtel. Et le cachet d’origine de mon appartement est une vraie plus-value. On est dans un lieu atypique dont émane une atmosphère très calme. Pour moi qui travaille autour du bien-être, ce lieu contribue à la parenthèse de douceur que je souhaite offrir ».

Quelques commerces occupent également le soubassement de l’édifice, utilisé en partie autrefois par les écuries. Le restaurant Les Voûtes, à l’atmosphère cosy, s’inscrit dans une architecture dont les pierres taillées apparentes annoncent le caractère d’une cuisine affirmée où il est de bon ton de découvrir la carte en même temps que la cave. Considérée comme l’une des cinq premières stations thermales de l’hexagone, Aix-les-Bains accueille chaque année 30 000 curistes.

Sabine et Yann Raphoz, séduits par le bâtiment, ont investi dans un appartement au 4e étage qu’ils ont soigneusement aménagé avant de le proposer à la location pour les curistes et voyageurs.

« Je vois le Grand Hôtel comme la possibilité d’une cité idéale comme Le Corbusier en quêtait le modèle », précise Yann. « Après les frasques, la guerre et l’oubli, le Grand Hôtel devient ville. Avec un restaurant, un cabinet médical, un kinésithérapeute, un salon de coiffure, un repaire d’artiste, le studio de danse et l’école de piano, je pense que le Grand Hôtel poursuit sa mue, attire de nouveaux passionnés d’histoire et du patrimoine, tout en multipliant ses offres de services. Le plus ancien des palaces Aixois, concurrencé bien souvent par ses confrères des coteaux, entame sa réhabilitation méritée ».

Conçu tel un lieu d’accueil, le Grand Hôtel a évolué tout naturellement avec l’air du temps. Témoins d’une époque révolue, les parties communes du Grand Hôtel et des palaces de la Belle Époque d’Aix-les-Bains se visitent et continueront de vibrer grâce à ceux qui persisteront à leur donner vie par leurs univers aussi variés que complémentaires. Préserver, valoriser et transmettre, tel un mantra aixois.

Cours de piano par Karine Vartanian dans l’ancien Fumoir, aujourd’hui classé aux Monuments Historiques.
Un cours de danse classique dans le beau studio de La Verrière.

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