La demande n’a jamais été aussi forte
L’offre de biens immobiliers n’a jamais été aussi faible alors que la demande reste forte. Conséquence : les prix augmentent encore. Voilà à quoi ressemble actuellement le marché de l’immobilier en Savoie et Haute-Savoie. À quoi s’attendre en 2022 ? Les explications de Jean-Jacques Botta, président de la Fédération nationale de l’immobilier Savoie Mont-Blanc.
PROPOS RECUEILLIS PAR PATRICIA PARQUET
Quel bilan dressez-vous du marché immobilier en Savoie et Haute-Savoie pour les six premiers mois de l’année 2021 ?
Il existe une forte envie d’investir dans l’immobilier. Le marché s’est davantage tendu avec une offre de biens immobiliers encore plus faible et une demande encore plus forte. L’offre actuelle est la plus faible que l’on ait connu ces dix dernières années. Ceux qui cherchent à investir dans un but locatif ou pour changer de lieu de résidence ont de l’argent disponible et en plus, les taux d’emprunt sont très bas ; de quoi donner envie d’acheter. Les élections municipales sont venues perturber le marché avec des dépôts de permis retardés. La demande est devenue très supérieure à l’offre.
Comment évolue le nombre de transactions ?
Aujourd’hui, les transactions ont repris à la hausse. L’an dernier, j’ai surestimé les conséquences de la crise sanitaire sur le marché de l’immobilier en annonçant des baisses de15 à 20 %. La baisse a été moins forte ; c’est une bonne chose.
Des ménages urbains, issus de grandes villes, ont pris le large. Y’a-t ’il eu une augmentation de la demande pour venir s’installer dans les principales villes de Savoie et Haute-Savoie ?
Oui en plaine comme en montagne d’ailleurs, mais ce n’est pas un phénomène majeur. Des Grenoblois et des Lyonnais viennent acheter du côté d’Annecy. Tandis que d’autres qui trouvent les prix trop élevés se rabattent sur Chambéry et Aix-les-Bains.
Les prix ont-ils rattrapé leur retard sur Chambéry ?
Tout à fait. À certains endroits, les prix ont grimpé de20 % sur le premier semestre. Jusqu’à présent, les prix de l’immobilier à Chambéry étaient anormalement bas. La ville est attractive et bien desservie en transport. Dans l’immobilier ancien, les prix atteignent près de2 700-2 800 € / m2.C’est toujours moins cher qu’Annecy
À Annecy, avec une pénurie de logements neufs, les prix ont-ils fortement augmenté ?
Pour ce premier semestre, nous estimons une hausse de prix de 8 % car la pression immobilière reste forte. Pour Aix-les-Bains, la hausse est proche de 10 %.
Nouveau diagnostic de performance énergétique(DPE) en vigueur depuis le 1er juillet, nouvelle réglementation thermique avec la RT 2020 pour les logements neufs dès janvier 2022, est-ce que tout cela va encore accentuer la hausse des prix ?
Avec les nouvelles normes environnementales pour l’économie d’énergie, il va y avoir un vrai bouleversement. Les prix vont encore grimper. Certains logements de classe énergétique C vont se retrouver classés F. Dès 2028, les logements en bas du classement ne pourront plus être loués.
Est-ce que cela va être possible de rénover d’ici 2028 tous ces logements, considérés comme des passoires thermiques ?
Les artisans dans le bâtiment sont tous à la recherche de personnel. Demain, ils vont devoir répondre à une demande très forte de rénovation. De plus, certains propriétaires n’auront pas les moyens de rénover leur appartement selon les exigences des normes énergétiques. Je ne conteste pas le bien-fondé des économies d’énergie dans le bâtiment, mais on va se heurter aux problèmes de la réalité. Va-t-on enlever des milliers de logements sur le parc immobilier locatif ? On n’arrive déjà pas à loger tout le monde.
Où achètent principalement les primo-accédants ?
Le plus proche possible de leur travail. Ce qui a changé, ce sont les moyens de transport. À Annemasse par exemple, la liaison ferroviaire du Léman Express entre la France et la Suisse a bouleversé le secteur ; la proximité ne se calcule plus en kilomètres, mais en temps.
Est-ce le bon moment de vendre ?
Les taux sont bas et les acquéreurs potentiels sont nombreux. Favorable au propriétaire, le marché peut se retourner en cas d’inflation et de hausse des taux d’emprunt. La fragilité du marché se trouve là.
A-t-on enregistré beaucoup de départs de population de la région ?
Non, la région reste hyper attractive. Et si on ne peut pas se payer un logement à 6 000 € /m2à Annecy, on peut toujours choisir Chambéry où les prix sont plus de deux fois moins chers. En s’éloignant d’Annecy, on gagne en pouvoir d’achat et on peut s’offrir des mètres carrés supplémentaires à budget équivalent.
Selon vous, les prix vont-ils augmenter en 2022 et dans quelle proportion ?
À mon avis, les prix vont encore augmenter, mais faire des prévisions reste délicat. Les habitants ont les moyens et l’envie d’investir, mais demain face à une nouvelle crise sanitaire dans laquelle les états ne pourraient pas répondre comme ils ont répondu en 2019 et en 2020, je ne sais pas ce qu’il pourrait se passer.
Faut-il craindre une bulle immobilière ?
Je ne crois pas à la bulle immobilière. Le marché immobilier forme toujours une ligne sinusoïdale avec des hauts et des bas, mais la tendance globale est plutôt à la hausse. Aux constructions limitées s’ajoutent une densification de la construction. Le marché va rester tendu encore quelques temps. L’an prochain, les candidats aux élections présidentielles vont nous annoncer un nombre incroyable de constructions à venir, mais les chiffres ne sont jamais atteints car les contraintes sont trop nombreuses. Le logement reste une obligation, mais aussi une difficulté.
L’immobilier dans la région est toujours et restera une valeur refuge ?
La pierre est plus que jamais une valeur refuge. Quand on voit l’attrait de la région, nos territoires continueront d’accueillir tous les ans un nombre important de nouveaux arrivants, en quête d’un logement.
POUR ALLER PLUS LOIN
Entre 2014 et2018, la Haute-Savoie a enregistré 28 226 personnes arrivant chaque année dont 8743 habitants dans la commune nouvelle d’Annecy