La nuit est magique en montagne ! Marcher à travers les ruelles d’un village, écouter le crissement des pas sur la neige. Les pupilles s’habituent peu à peu à l’obscurité et les sensations sont décuplées. L’éclairage nocturne favorise nos activités, mais perturbe la faune et la flore .
Avec une prise de conscience de plus en plus forte, il est temps de se demander comment allier tourisme, développement économique et réduction de la pollution lumineuse ? Floriane Deléglise, architecte et conceptrice lumière, nous éclaire.
TEXTE PATRICIA PARQUET – Photo © Olivier Allamand
Du ski sous toutes ses formes sur des pistes éclairées, de la motoneige, des descentes en luge, du patinage, des balades en raquettes… toutes ces activités se développent de plus en plus la nuit dans les stations de montagne, au cœur des villages et des forêts. Les stations s’équipent de système d’éclairage pour sécuriser les pistes, les accès et permettre aux voyageurs de franchir les routes de montagne tard dans la nuit. Le casse-tête consiste à allier la vie nocturne, le développement économique des villages et stations de montagne, tout en réduisant la pollution lumineuse. La solution ?
La sobriété lumineuse. « La montagne est une partie du territoire qui n’est pas comme les autres et qu’il faut aussi protéger la nuit. Il y a un mitage (1) qui se fait progressivement. Adolescente, je faisais des randonnées nocturnes l’été et je pouvais admirer la Voie lactée. Désormais, il faut s’éloigner de plus en plus pour la voir », constate avec tristesse Floriane Deléglise, conceptrice lumière, associée à l’agence Les Ateliers de l’Éclairage à Paris, qui a grandi au Pays du Mont-Blanc.
LA NUIT EST UN HABITAT
La pollution lumineuse fait référence aux conséquences de l’éclairage artificiel nocturne sur la faune, la flore, les écosystèmes et la santé humaine. Elle a augmenté ces dernières décennies car nous avons besoin d’éclairage, mais l’activité humaine n’est pas toujours compatible avec l’équilibre de la biodiversité. Les installations lumineuses perturbent une grande partie de la faune nocturne et de la flore.
De nombreux animaux vivent la nuit et dorment le jour afin de se protéger des prédateurs. La plupart de leurs fonctions vitales sont régulées par l’alternance jour/nuit. Certains insectes fuient la lumière et ne vivent que dans le noir, dans la forêt, la terre, sous les écorces. Les plantes sont également sensibles à l’éclairage artificiel qui génère des dérèglements biologiques. Savez-vous que les paysages nocturnes font partie du patrimoine commun de la nation et à ce titre, chacun doit veiller à la sauvegarde et contribuer à la protection de l’environnement, y compris la nuit.
ÉCLAIRER MOINS
« C’est un paradoxe. Nous avons besoin de concevoir des activités qui fassent vivre le territoire et en même temps nous devons préserver notre environnement. Pas question de retourner à l’époque de la bougie, mais la façon d’éclairer peut changer beaucoup de choses. Nous pouvons éclairer moins ou de manière plus rationnelle car la montagne, ce n’est pas Disneyland. Il faut faire attention aux températures de couleur, c’est-à-dire la couleur de la lumière émise par une source lumineuse afin de moins impacter la faune et la flore et d’avoir un ressenti plus chaleureux, éclairer vers le sol et pas vers le ciel ».
Éclairer moins, cela signifie aussi dépenser moins. L’éclairage public représente 21 % des dépenses énergétiques des communes. Les politiques d’extinction et de rénovation ont entraîné en moyenne en France une baisse de 34 % de consommation de l’éclairage entre 2012 et 2017 (2).
Les stations changent petit à petit les éclairages vétustes ; elles ont ainsi réduit considérablement leur facture. On apprend que passer en LED n’est pas forcément toujours utile. D’où l’intérêt d’avoir recours à un bureau d’études spécialisé.
Éclairer mieux
Que dit la réglementation ?
L’éclairage public est réglementé afin de garantir une bonne qualité de lumière dans les espaces publics extérieurs. Le 27 décembre 2018, un arrêté ministériel encadrant l’éclairage nocturne a été publié.
Entré en vigueur en janvier 2020, il fixe des prescriptions techniques (allumage, extinction, répartition lumineuse, flux maximum et température de couleur) à respecter en agglomération, hors agglomération et dans les espaces naturels protégés. Les préconisations sont strictes pour les parcs naturels. Les stations, situées au cœur ou bordant un parc naturel, doivent reprendre les préconisations notamment sur les températures de couleur et cesser d’éclairer avec des blancs froids afin de créer des ambiances plus chaleureuses et moins nocives pour la faune et la flore.
Le but est de réduire l’intensité lumineuse de l’éclairage public en alliant sécurité, visibilité des personnes et limiter l’impact sur la biodiversité. Dans la mise en place de l’éclairage fonctionnel, il est désormais interdit d’éclairer vers le ciel.
Il est précisé que les éclairages publics extérieurs doivent être éteints au plus tard à 1 heure ou une heure après la fin d’occupation des locaux si cela intervient plus tard. Ils peuvent être allumés à partir de 7 heures ou une heure avant le début de l’activité si elle débute plus tôt.
Il est possible de déroger à ces dispositions pour éclairer et mettre en valeur des bâtiments à l’occasion des illuminations de Noël et d’événements exceptionnels et dans des zones touristiques d’affluence exceptionnelle. Les luminaires installés depuis le 1er janvier 2020 doivent être conformes aux dispositions. Onze sites d’observation astronomique sont également protégés de la lumière nocturne dans un rayon de 10 km.
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